Cartons, valise et malles en tout genre. La rentrée dans un pensionnat, c’est en général tout une histoire. La chambre 2, du deuxième étage est en pleine installation. Installation figée parce que Llew est pendu à sa webcam. Le petit ordinateur portable est en équilibre sur le carton contenant les alpacasso, il y fait fasse en penchant la tête, peu bavard, un sourire amusé aux lèvres. Vivian. Son visage s’affiche de l’autre côté de l’écran, sa bouille ronde et sa moue d’enfant vexée. Elle est outrée, la gamine, outrée que son frère aîné ne soit plus avec elle. La notion de vacances, Vivian a eu du mal à l’intégrer. Alors, elle boude, face à la webcam de l’ordinateur familiale, assise sur un bottin et une pile de coussin pour être à la bonne hauteur et ne pas avoir la tête coupée sur Skype. Elle marmonne que ce n’est pas juste, demande qui lui lira son histoire ce soir .Lui réponds que maman sera ravie de reprendre le relais, sans aucun soucis. Papa quand Maman sera en tournée pour son dernier livre. Et puis que de toute façon il revient dans pas longtemps, il rentrera ce week end et probablement aussi pour lui suivant. Vivi marmonne que ce n’est pas juste, que puisque c’est comme ça, elle aussi, quand elle sera grande, elle ira en pension, comme lui pour être avec lui. Et Llew n’ose pas lui répondre que lorsqu’elle sera en âge d’intégrer Wenworth, lui sera dans la vie active depuis un bout de temps déjà. Mais elle a cinq ans, l’enfant, elle peut bien s’imaginer des choses .Et puis de toute façon, le géant est un grand frère gâteau, gâteau gâteux. Et puis la blondinette change vite de sujet. T’es avec qui cette année. Llew fronce les sourcils, cherche autour de lui un nom sur les autres petits cartons, qui s’empile dans la chambre. Il hausse les épaules. Il ne sait pas. Jefferson, ça ne lui dit rien, ce n’est pas dans sa classe. Ou alors si vaguement, un vieux truc des bouquins d’histoire .Tu dors avec un vieux truc des bouquins d’histoire. Sourcils relevés de Vivi. Llew rit, finalement, il n’y a pas tant de mal à rêver, parler, penser à voix haute, quand il n’y a que sa petite sœur pour témoins. Il promet, encore qu’il reviendra, parce qu’il peut bien promettre ça, c’est dans ses projets. Il raccroche et ferme les yeux, la tête renversé en arrière. Mascarade.

Se concentrer, encore. Jouer un rôle, celui du mouton, le sien. Il ne connait pas encore son camarade de chambrée. Tôt ou tard, il connaitra ses vices, ses secrets et lui aussi connaitra les siens. Ils se tiendront comme dans la comptine la barbichette, au premier qui révélera ses secrets verront ses secrets en place publique .Mais pour l’instant, il faut anticiper, retarder ce moment encore. Alors Llew reprend ses rangements. Il referme l’ordinateur et se dépêche d’installer sa ménagerie d’alpaca en peluche dans une caisse en plastique qu’il a monté, les posant avec précaution, surtout sa dernière trouvaille. Premier cadavre du placard caché. Arrive le tour du matériel de dessin, la boite de craie d’art, celle de fusain, la gomme mie de pain, sa mine de plomb, ses crayons, tout cela entre précautionneusement dans un tiroir du bureau mis à sa disposition. Deuxième et second cadavre. Fin de la partie. Maintenant, il range le reste, tout le reste, on lui a inculqué de l’ordre était mère de sureté et de respect de soi. Il guette d’un œil l’arrivée du colocataire imposé par l’établissement, attend encore puis relâche sa vigilance quand il retrouve une photo glissée dans un livre de cours. Lui et sa petite sœur dans ses bras qui joue avec sa bombe de cavalier. Compétition amicale de cet été en dressage. Quoi qu’on en dise, il a vraiment l’air d’un pingouin de cette tenue. Ou d’un manchot sur la banquise, ça fait bien deux mètre les manchots non ?