full of poetry

« Bien ! Alors je vous ai exposé ce que j’attendais de vous pour ce premier exercice de rédaction. Une présentation originale de vous. Vous pouvez parler de votre famille, bien sûr. Des amis que vous avez, là où vous habitez. Même de votre chien, si ça vous fait plaisir. Du moment que votre texte prend une forme originale. Pas de ‘Bonjour, je m’appelle… Alistair, j’ai dix-huit ans. Ma maman s’appelle Ròis, mon papa s’appelle Gildas.’ Et ainsi de suite. De l’originalité. Je suis sûre que vous aurez des idées de génie. »

Une main se lève. On lui demande s’ils devront lire le texte à voix haute. Elle sourit, hausse les épaules en s’asseyant sur le large bureau de bois surplombant la classe des troisièmes années. Les troisièmes A, septième heure du lundi après-midi. Elle ne connaissait pas encore son horaire à la perfection. Elle ne savait donc plus quand elle les reverrait. Elle pourrait jeter un coup dans son journal de classe, pour noter ce qu’elle vient de leur demander de faire. Encore une chose à réaliser, le journal de classe… Au moins le compléter correctement jusqu’aux prochaines vacances. Moyen d’être tranquille avec ses corrections et ses exercices d’anglais à élaborer.

« Hé bien… Pourquoi pas ? Si ça peut vous permettre de mieux vous connaître les uns les autres – parce que vous allez quand même passer l’année ensemble. Vous dormez au même étage, vous mangez ensemble… Alors si ça vous permet d’en apprendre plus sur les autres, oui. Vous les lirez à voix haute. »

Des élèves rouspètent, la clameur enfle. Eilidh siffle un « ssssh » entre ses dents et interroge la nouvelle main levée. On lui demande si elle aussi, elle écrira une présentation. Elle roule des yeux, fronce les sourcils. Il fallait s’y attendre, à cette question. Des protestations fusent de partout. Des encouragements, des arguments bidons. Elle lève les mains en signe d’apaisement.

« Très bien, très bien ! Je vous écrirai un texte de présentation également. Alors… Je vous vois quand, la prochaine fois ? Je sais que je vous ai quatre heures par semaine mais je ne connais pas encore très bien mon horaire… Bon. On va planifier ça pour lundi prochain, même heure. Ça vous laisse une bonne semaine pour y réfléchir. Il est l’heure, non ? »

Les mots magiques. Ils rangent leurs affaires, prêts à aller… A aller où, déjà ? Option, un truc du genre. Un cours avec l’excentrique Blair Llewellyn. Elle se demande vaguement à quoi un cours de théâtre ressemble, quand il est orchestré par Blair, cette adulte folle aux cheveux bleus. Elle descend du bureau, le contourne pour aller ranger ses cahiers, son plumier dans son sac de cours en cuir brun. Une voix l’appelle, elle lève la tête. C’est un élève – évidemment. Un garçon plutôt grand – vachement plus grand qu’elle – aux cheveux bruns. Elle remarque la cicatrice qui lui barre le cou.

« Je peux t’aider ? »

Elle lui sourit. C’est moins effrayant un sourire.

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Il chipote à la bandoulière de son sac de cours. Il la tord dans tous les sens, lisse les plis, la tord encore une fois. Il est nerveux, ça se voit – tout le monde le verrait. Nerveux, mal à l’aise, tout ce qu’on veut. Peut-être ne sait-il tout simplement pas par où commencer. Est-ce que c’était une question gênante ? Ou était-il tout simplement gêné à poser une question ? Elle s’attendait plus à la seconde éventualité. Elle penche la tête sur l’épaule. Au final, il lui dit qu’il n’est pas doué pour ce genre d’exercice. Pour se décrire. Il lui demande de l’aide, son sourire prend plus d’ampleur.

« Evidemment que je peux t’aider ! Je suis là pour ça, non ? »

Elle dit ça avec entrain. Peu d’élèves osent demander de l’aide. Ils se tournent d’abord vers leurs amis. Puis, vers leur cours en implorant le Seigneur et les forces des Ténèbres, le côté obscur de la force, de leur venir en aide. Alors quand on lui demandait de l’aide, elle y répondait avec plaisir et faisait de son mieux pour les guider vers la bonne destination. Elle jette un coup d’œil à sa montre.

« Mais là, tout de suite, tu as un cours, non ? D’ailleurs, tant que j’y pense. Vous avez cours avec Mademoiselle Llewellyn au réfectoire… Tu veux bien le dire aux autres ? Je sais, ce n’est pas habituel mais je suppose qu’elle vous expliquera pourquoi… Tu peux revenir dans cette classe après ton cours, je serai là. On se dit à tout à l’heure ? »

Elle lui sourit en rangeant ses dernières affaires dans son sac.

Elle avait fait un tour en salle des professeurs, le temps de prendre un dernier café. Elle avait lu quelques pages d’un bouquin qu’elle comptait conseiller à ses élèves de deuxième année. Puis, il avait été l’heure de reprendre la route vers la salle de classe qu’elle avait quittée cinquante minutes plus tôt. Elle repousse une mèche derrière son oreille, déballe les affaires qu’elle venait juste de ranger. Et elle avait attendu que l’élève revienne.

Le nez dans son bouquin, c’est à peine si elle avait entendu les trois petites tapes sur le chambranle de la porte ouverte. Elle avait levé les yeux, lui avait souri en le priant d’entrer, de s’installer au banc devant elle. Elle avait attendu qu’il soit prêt, assise sur son large bureau de bois de professeur.

« Aloooors. Je propose qu’on note déjà tout ce que tu as envie de dire sur toi, d’accord ? Nom, prénom, nationalité, âge, date de naissance. Les choses habituelles, pour commencer. Ensuite, je peux te poser une série de questions. Ça t’aiderait ? »