Il y a beaucoup de légendes qui circulaient entre les élèves. Plus ou moins crédibles, plus ou moins poétiques, plus ou moins vraies, plus ou moins passionnantes. Certaines, à dormir debout, n'attiraient pas l'attention de la Suissesse. D'autres, en revanche, étaient beaucoup plus passionnantes.
Il y en a une en particulière qu'Ambre n'arrivait pas à se retirer de l'esprit. Une légende, une rumeur à laquelle elle pensait tout le temps. Ces derniers jours, il s'était mis à neiger autour du pensionnat, et on racontait qu'un ange se promenait parmi les flocons, observant silencieusement les hommes s'agiter parmi la poudre blanche. On racontait aussi que cet ange silencieux ne pouvait être approché que par les élèves, et qu'il était un messager de l'au-delà. Si vous parveniez à l'approcher, il vous montrerait, dans un long mirage, à quoi ressemblerait votre au-delà. On disait aussi qu'il pouvait exaucer les souhaits et soigner les blessures de celles et ceux qui parvenaient à l'approcher.
C'était la troisième nuit consécutive qu'Ambre restait à la fenêtre, à observer les alentours. De là, elle pouvait voir la forêt enneigée qui bordait le pensionnat. Si l'ange passait, c'était forcément par-là.
Elle s'était levée en prenant garde de ne pas attirer l'attention de Gabrielle, et s'était postée à la fenêtre. Et vers trois heures du matin, alors qu'elle commençait sérieusement à piquer du nez, sa patience porta ses fruits. Une silhouette dans la nuit, silencieuse et insaisissable. Elle se dirigeait lentement vers la forêt. C'était sûrement cet ange.
Sans un mot, Ambre s'habilla le plus chaudement possible, se préparant à sortir. Cache-oreille blanc, écharpe de la même couleur, manteau orange, jean et bottes blanches. Elle se glissa dehors, prenant soin de fermer la porte à clef, et descendit sans faire de bruit. La silhouette venait de se glisser dans la forêt. La jeune fille d'automne pressa le pas, faisant craquer les cristaux de glace sous ses bottes à chaque fois qu'elle s'enfonçait un peu plus dans le vent glacial de la nuit et de l'hiver.
La silhouette était entrée dans la forêt. Il fallait maintenant y aller. Les arbres lugubres accueillaient l'adolescente de leurs branches rachitiques, couvertes de poudre d'ange. Un coup de vent fit frissonner l'aventurière qui ne s'était pas habillée si chaudement que ça, au final. Prenant son courage à deux mains, elle se mit à avancer dans le sillage de son prédécesseur. Maintenant perdue dans la forêt, Ambre suivait scrupuleusement les traces de pas laissées par l'ange, qui semblait porter de lourdes bottes. Un peu étrange : Elle imaginait l'elfe des glaces avancer pieds nus dans la poudre gelée.
Se faufilant à travers la forêt, sautillant de butée en souche gelée afin de rendre la marche plus captivante, l'élève arriva bientôt au bord de la forêt. L'Ange était là, sur la colline juste derrière. Elle s'avança sans un mot, continuant de faire craquer la neige sous ses bottes blanches.
L'ange se laissa finalement tomber sur la glace, révélant son véritable visage. C'était Marwin Jefferson, l'un des bourreaux de troisième année qu'Ambre détestait.
« C'est pas l'heure de dormir normalement ? »
Elle ne répondit pas à cette remarque, se contentant de fixer son interlocuteur d'un air déçu. Déçu et frustré. Elle avait bravé l'interdit pour rien du tout et était maintenant seule avec l'un des idiots de dernière année. Lâchant un grognement énervé, l'automnale se retourna afin de ne plus avoir Jefferson en vue.
« Tu parles d'un ange. », murmura-t-elle qu'un air cynique. « Comme si tu me causais pas assez d'ennuis comme ça... Paye ta traversée du désert pour des prunes. »
Elle lâcha un soupir déçu.