Sujet: Raconte-moi une histoire... [PV. Leroy] Mer 20 Mai - 23:20
Wynona n'aime pas le froid. Bien sûr elle aime s'amuser et la neige l'a toujours fait rêver, mais ô grand dieu non, elle déteste sortir quand il fait aussi froid. Mais il y a au moins un point positif dans cette histoire, elle n'a pas à rentrer chez elle pour les vacances; coincée par l'épaisse couche de neige dans l'établissement, le train ne voulant pas partir...Le destin s'évertue pour qu'elle n'ait pas à subir la présence de sa famille. Non pas qu'elle n'aime pas ses parents et frères et soeurs, mais eux, ne semblent pas beaucoup l'apprécier. Bref, tout cela pour en revenir au fait qu'elle n'aime pas le froid. Elle n'aime pas être gelée. Du tout. C'est une sensation lui étant désagréable, même quand le soleil est haut dans le ciel en été et qu'il commence à faire chaud, au moindre coup de vent, elle se sent gelée; imaginez en hiver, quand la neige est tombée et recouvre le sol d'un tapis immaculé, quand la température chute pour atteindre un chiffre négatif. C'est pourquoi elle affectionne énormément les pulls et les manteaux. Sauf qu'il y a juste un petit problème. Hier, les manches de tous ses précieux pulls se sont retrouvés avec des nœuds, et il est fort heureux que la jeune fille ait été bien réveillée afin de ne pas revêtir une camisole de force en laine; elle a tout simplement eu à les défaire, mais elle l'eut fait en pestant contre le facétieux personnage inconnu. Et aujourd'hui en se levant...où se trouve donc les chaussettes gauches ? Tout le monde semble avoir le même problème, et voilà qui n'est pas sympathique du tout. Bon, Wynona n'aimant pas spécialement ses chaussettes, cela ne lui fait pas trop mal au coeur; quant au dépareillement, voilà qui n'est pas un gros problème, m'enfin tout de même.
-Allez, je mets quoi aujourd'hui ?
C'est le matin, bien sûr, alors direction le réfectoire comme à chaque fois, déambulant dans les couloirs tel un zombi affamé; car c'est un peu ce qu'elle est, comme tous les matins, son ventre gargouillant, criant famine. Aujourd'hui vêtue d'un jean, de baskets, un t-shirt blanc et par-dessus d'un bon gros pull jaune canari et encore par-dessus d'un sweat gris. Et le plus important. Une chaussette rouge avec des chats dessus pour le pied droit, et une chaussette mauve unie pour le pied gauche. Ses longs cheveux roux bien peignés détachés, tombant dans son dos en cascade de feu, quelques mèches rebelles retenues par des barrettes rouges et roses en formes de fleurs - probablement une pivoine.
De sa démarche traînante, la jeune fille se dirige vers le réfectoire puis s'installe quelque part où il y a de la place. Une fois assise, elle tente de couper son petit pain en deux - ce qu'elle finit par faire avec grande difficulté, au point qu'elle faillit se filer un coup dans le nez à elle-même au passage; et mettant beaucoup de miettes sur son plateau également - afin de mettre un peu de beurre et de confiture dessus. Puis c'est à pleine dent qu'elle croque dedans, à la grande joie de son petit estomac heureux, avalant quelques gorgées de son thé bien chaud; un simple thé vert qu'elle trouve d'ordinaire dégueulasse, mais elle ne va pas s'en plaindre, surtout si cela lui permet de réchauffer son corps gelé de bon matin.
Et dans sa bulle, elle réfléchit à ce qu'elle peut bien faire, toute seule à sa table. Aller à la bibliothèque ? Il y a tant de livres qu'elle pourrait lire pour passer le temps. Et puis, vu qu'aller dehors ne l'enchante guère... Ou tenter d'écrire une histoire, oui, voilà qui serait bien...Mais elle n'a pas d'idées. Pas encore du moins... Que faire ? Sans prêter attention à ce qui peut bien l'entourer, Wynona se mit à se remémorer une musique qu'elle a déjà entendu elle ne sait plus où, une musique qui a déjà stimulé son imagination par plusieurs fois.
Leroy Clenan
Messages : 116 Age : 28
Sujet: Re: Raconte-moi une histoire... [PV. Leroy] Jeu 21 Mai - 11:32
“ raconte-moi une histoire ”
Ce matin, la moitié – 50% diraient les statisticiens – de ses chaussettes avait disparu. La moitié seulement. Il ne manquait que… il ne savait pas lesquelles manquaient, en fait. La gauche ou la droite, pour les chaussettes, ce n’était pas sa principale préoccupation, et elles n’avaient jamais eu d’étiquettes censées indiquer le côté où elles doivent aller. En découvrant le nouveau larcin du potentiel blagueur, il avait simplement soupiré, déjà blasé. La veille, il avait déjà dû faire face à une transformation de ses pulls en camisoles, et avait passé dix bonnes minutes à défaire tous les nœuds de toutes les manches, et voilà qu’il n’avait plus aucune paire de chaussettes à proprement parler. Ça lui était presque égal. Presque seulement, dans la perspective où dépareiller ses chaussettes n’était pas sa principale préoccupation, et elles avaient souvent des couleurs similaires, mais d’un autre côté, avec moitié moins de chaussettes, et une couche de neige impossible dehors, il se demandait s’il n’allait pas finir avec des engelures. La seule chose qui pouvait le rassurer, c’était que tous les élèves semblaient râler de la disparition de la moitié de leurs chaussettes.
Il n’avait pas dérogé une seule fois à ce qu’il faisait le matin. Il avait pris deux chaussettes au hasard, les avait ajoutées à sa pile de fringues et était parti se doucher, avant de revenir dans sa chambre pour déposer son pyjama, prendre un pull, une écharpe, et se diriger vers le réfectoire. Si les nouveaux bâtiments étaient agréablement chauffés, l’ancien l’était beaucoup moins depuis que les vacances avaient commencé, puisque désormais potentiellement inutile. Aucun cours n’avait lieu d’être, quand bien même les élèves se retrouvaient coincés dans le pensionnat pour Noël. Il ne savait pas trop si ça l’arrangeait ou non, de se retrouver coincé là. D’un côté, il n’avait pas à rentrer chez lui, subir les questions de ses parents, il n’aurait pas à les fixer d’un regard lourd de reproches pour leur faire comprendre qu’il n’avait aucune envie de partir dans cet endroit, mais d’un autre, il se sentait légèrement mal à l’aise à la perspective de passer Noël à l’école. Beaucoup d’élèves en parlaient ; ça et le vol des chaussettes ; et une phrase qui revenait souvent était : c’est la lose. Et ça, pour être la lose, c’était la lose.
Il se traîna jusqu’au réfectoire, comme tous les matins, à moitié réveillé, les mains résolument enfoncées au fond de ses poches jusqu’à ce qu’il ait besoin de prendre un plateau, un verre, quelques couverts. Arrivé assez tôt, il allait pouvoir profiter d’un chocolat chaud digne de ce nom, la qualité de ce dernier baissant considérablement en même temps que la journée avançait, aussi il ne se gêna pas pour remplir sa tasse presque à ras-bord. Avancer avec le plateau dans les mains était soudainement devenu périlleux, mais il avait plus ou moins l’habitude. Il devait simplement prier pour ne pas tomber maintenant. Tout autour de lui, il y avait des élèves aux chaussettes étonnamment différentes, même si certains, comme lui, avaient la chance d’avoir plusieurs paires de la même couleur. De toute façon, sous son jean et ses converses, ses chaussettes ne se voyaient pas.
Son plateau composé, il alla tranquillement s’installer là où il y avait de la place. Il se retrouvait à moitié en face d’une rousse occupée, apparemment, à regarder en l’air et probablement penser à tout sauf à être coincée dans le pensionnat pour les vacances. Il ne dit rien, il ne lui demande pas s’il peut s’installer là. De toute façon, il n’est pas bien encombrant. Il s’installe juste là pour manger en silence, et il repart aussitôt qu’il a fini. Il fait machinalement tourner la tasse de chocolat dans sa coupelle, de manière à avoir l’anse à sa gauche, puis il coupe son morceau de pain en deux, tartinant l’un des côtés de beurre avant de croquer dedans. Du pain frais, encore tout chaud, et juste du beurre. Un de ces petits plaisirs monstrueusement simples de la vie qui font que la journée ne pouvait pas mal commencer.
A ceci près qu’à peine la tartine posée sur son plateau, il vit le plafond tourner au-dessus de lui et le sol se rapprocher dangereusement. Dans sa chute, son épaule rencontra le banc d’à côté, et sa tête le carrelage du réfectoire. Le seul avantage était que son plateau n’avait rien. Et le temps que son corps décide de bouger, son chocolat chaud aurait suffisamment refroidi pour qu’il puisse le boire sans se brûler. La seule chose qui pouvait le déranger, c’était d’être conscient de tout ça, tout en étant incapable de bouger.
Wynona Atkins
Messages : 14
Sujet: Re: Raconte-moi une histoire... [PV. Leroy] Ven 22 Mai - 23:37
Que serait-il intéressant de faire ? Qu'est-ce qui pourrait bien l'inspirer afin de commencer à imaginer un bout d'histoire et de l'écrire, comme elle le fait si souvent ? La musique en tête, elle commence à esquisser un paysage dans son imagination, une douce atmosphère angélique, quelques personnages... Elle ne voit pas le garçon qui vient de s'installer quasiment en face d'elle. Dans tous les cas, elle n'aurait pas dit non à un peu de compagnie, et puis, elle-même s'est installée là où il y a eu de la place. Elle ne le regarde pas prendre son petit-déjeuner, elle n'observe pas ce petit plaisir de croquer dans le pain frais et chaud comme elle l'a fait tout à l'heure. Non, elle est toujours là, les yeux rivés vers le plafond, dans ses songes, ses pensées.
Si seulement elle savait dessiner ! Il y aurait eu longtemps qu'elle aurait sorti un carnet et qu'elle se serait mise à faire de multiples croquis de ce qu'elle imaginait dans sa petite caboche rousse.
De la neige, beaucoup de neige. Un peu comme maintenant. De grands bouts de mousseline blanche tombant en torrents neigeux - en "cascade neigeuse" comme dirait Baudelaire dans "La Chambre Double" - et un ciel azur. Un soleil rond comme une perle, de couleur d'ambre, un soleil un peu timide derrière les draps nacrés que sont les nuages. De grands arbres aux feuilles d'émeraude. Des oiseaux de toutes les couleurs chantonnant. Des gens jouant dans la neige. Elle a beau ne pas aimer l'hiver à cause du froid, cela ne l'empêche pas d'adorer imaginer ce genre de choses. Oui, ce genre de paysage, elle aimerait pouvoir le dessiner dans un carnet, dans son petit carnet rien qu'à elle. A la place, elle se contente de remplacer les dessins par des mots; une très belle écriture plutôt ronde et grosse, parfaitement lisible.
Toujours dans ses pensées, elle n'entend pas les cris de panique des gens alentours. Enfin si, mais elle a un temps de retard par rapport aux autres. Quand elle se rend compte de ce qu'il se passe, elle se lève précipitamment et observe. Le garçon, il est tombé dans les pommes. Enfin, c'est ce qu'elle croit. Alors, comme c'est une personne qui s'inquiète facilement pour les autres, elle se lève, fait le tour de la table et avant que d'autres ne le fassent, elle s'agenouille vers l'élève. Son visage affiche une mine bien inquiète.
Ses deux mains viennent relever la tête du garçon pour lui éviter la dureté du carrelage, en fait, elle essaie de l'allonger sur le banc tant bien que mal avec l'aide de quelques uns; elle a dû héler ceux qui se trouvaient à côté. De sa voix aiguë montrant son stress évident quant à la situation, elle demande à un camarade de bien aller chercher un professeur ou non, mieux: quelqu'un travaillant à l'infirmerie. Bref, une personne mieux qualifiée en la matière.
En attendant elle regarde sur le plateau du garçon, non pas ce qu'elle pourrait lui chiper, mais ce qu'elle pourrait faire si jamais il ne parvient pas à revenir parmi eux au bout de cinq minutes. Le chocolat chaud, par exemple. La nature de la jeune fille la pousserait tout simplement à aller lui réchauffer son chocolat chaud ou aller lui en chercher un autre pour qu'il puisse finir son petit-déjeuner - quoiqu'avait-il seulement commencé ?! - avec au moins quelque chose d'agréablement chaud dans l'estomac. Par ce froid, il vaut mieux se réchauffer dès le matin, n'est-ce pas ?
Leroy Clenan
Messages : 116 Age : 28
Sujet: Re: Raconte-moi une histoire... [PV. Leroy] Lun 25 Mai - 18:55
“ raconte-moi une histoire ”
Le pire, dans tout ça, c’était qu’il était parfaitement conscient. Ses muscles étaient totalement amorphes, ses yeux étaient fermés, comme s’il dormait, mais il était conscient. Il avait parfaitement senti l’arête aiguë du banc et la dureté plate du carrelage quand il était tombé, en fermant les yeux par réflexe, parce que c’était tout ce qu’il pouvait faire pour éviter les questions les plus gênantes. Autour de lui, il entendait des voix, il entendait les gens s’affoler, se demander ce qu’il s’était passé, pourquoi il était tombé. Il ne comprenait décidément pas pourquoi, à chaque fois, on essayait de l’allonger ailleurs. Ailleurs que par terre. Par terre, il ne risquait rien. Il ne tomberait pas plus bas. Quant à se faire marcher dessus, les gens n’avaient qu’à faire attention où ils mettaient les pieds. Pourquoi vouloir toujours le mettre en hauteur alors qu’il risque juste de tomber et de se faire plus mal que ce n’était déjà fait ? Ceci dit, il ne pouvait pas faire grand’chose d’autre qu’attendre.
Attendre que son cerveau se rende compte que, non, il n’était pas allongé avant de tomber, non, il n’était pas somnolent et n’avait pas besoin de dormir. Il se contenta de se laisser faire quand ses camarades l’aident, parce qu’il ne pouvait absolument rien faire d’autre. S’il avait pu, il aurait soupiré. Dans son esprit conscient, il avait déjà commencé à monter des excuses. Toutes bidons, toutes moins convaincantes les unes que les autres, mais il n’allait pas leur dire cash : ah oui, désolé, j’ai le cerveau qui déconne un peu, c’est rien, je risque juste de crever si ça m’arrive sur un passage piéton ! C’était stupide. Les rumeurs faisaient vite le tour de l’école, il n’avait pas besoin que tout le monde parle de lui dans son dos. Il allait déjà prendre assez cher avec cet incident, parce qu’il n’y avait pas grand’chose à parier que certains chuchotaient déjà.
Il ne savait pas combien de temps avait pu passer. Pas longtemps. Vraiment pas longtemps, pas plus de trois ou quatre minutes. D’interminables secondes qui s’étaient finalement terminées. Il avait pu bouger un doigt, la main, le bras, et fléchir son coude en rouvrant les yeux pour se relever. A côté de lui, il y avait des élèves, un prof qu’il ne reconnaissait pas, et toujours les mêmes regards. A la question s’il allait bien, il haussa vaguement les épaules en s’asseyant sur le banc pour se passer une main sur la nuque et se frotter un peu l’épaule qui avait rencontré le banc.
« Je vais bien, oui. »
Il retint un « pas la peine d’en faire autant » de peur d’avoir l’air trop insolent devant le prof. Ce dernier n’a pas spécialement l’air convaincu, mais il n’insiste pas. Il le remercia pour ce geste, et retourna simplement s’asseoir en face de son plateau, gratifiant ses chers petits camarades d’un regard blasé. Il ne lui restait plus qu’à finir son petit déjeuner, et heureusement son chocolat chaud n’avait pas trop refroidi. Il en prit quelques gorgées avant de finir sa tartine. Il s’attendait aux questions, il les voyait venir d’ici, et il tournait et retournait dans sa tête des réponses toutes faites pour qu’on lui fiche la paix. Entre autres « qu’est-ce que tu as besoin de le savoir ? » ou « en quoi ça t’intéresse ? » Sec, cassant. Comme à chaque fois qu’il se sentait oppressé, il allait répondre en mordant verbalement.
En tournant la tête, il croisa le regard de la rouquine.
« … Quoi ? Ca t’arrive jamais de tomber dans les pommes au mauvais moment ? »
Wynona Atkins
Messages : 14
Sujet: Re: Raconte-moi une histoire... [PV. Leroy] Mar 2 Juin - 16:13
Wynona attend sagement que le garçon se réveille. Ce qu'il s'est passé a attiré des regards inquiets, des regards de curiosité malsaine aussi, pour les crétins qu'elle n'aime pas, et sans en douter un seul instant, celui d'un professeur dont elle ne mémorisera pas le visage, trop omnibulée par celui de son camarade.
Quand il se réveille, il se contente de répondre d'un simple "Je vais bien, oui.", sans plus. L'enseignant inquiet se penche vers lui, mais il n'insiste pas devant l'élève qui lui assure qu'il va bien. Bien sûr, il n'est pas convaincu, mais qu'importe. Wynona demeure à sa même place. Il a l'air blasé, elle est toujours inquiète.
Il finit par tourner la tête vers elle, elle n'a toujours pas bougé. Elle s'est contentée de rester silencieuse.
« … Quoi ? Ca t’arrive jamais de tomber dans les pommes au mauvais moment ? »
Elle se lève et retourne s'asseoir à sa place pour finir son petit-déjeuner. Pas d'inquiétude à avoir alors, il va bien pour répondre ainsi.
-M'assommer oui, tomber dans les pommes ainsi, non.
Elle sourit et mord dans sa tartine de beurre et de confiture pour la finir, elle a cessé de regarder son camarade. Elle a fini d'imprimer son visage dans sa caboche rousse.
-Je m'appelle Wynona Atkins, et toi ?
Elle le regarde à nouveau, elle n'a pas ce regard curieux et malsain que certains autres élèves ont pu avoir quand il est tombé. Elle finit sa tasse de thé et le reste de son petit-déjeuner. Calée, la jeune fille lâche un soupir de soulagement; son petit estomac est paré jusqu'à midi.
Elle tente d'imaginer un personnage sur ce nouveau camarade rencontré. Mais rien ne vient, pas même une petite histoire, pas même une once d'idée. Rien ne bouge dans sa tête, l'inspiration est introuvable.
Leroy Clenan
Messages : 116 Age : 28
Sujet: Re: Raconte-moi une histoire... [PV. Leroy] Ven 12 Juin - 13:09
“ raconte-moi une histoire ”
La rouquine n’eut pas l’air de se vexer de sa réponse plus que sèche. Il savait très bien que ce n’était pas la peine de s’adresser ainsi à ses camarades, parfois à ses professeurs, mais il détestait se sentir observé, oppressé, et ça n’avait qu’un seul effet : le rendre cassant voire insolent. Il soupira doucement avant de revenir à sa tasse de chocolat. Il l’avait presque finie, mais elle ne lui faisait plus vraiment envie. Et de toute façon, il n’avait plus faim. Il se serait volontiers passé de ce petit « incident » mais comme d’habitude, il ne pouvait rien faire pour les éviter. Son esprit se focalisa soudainement sur le flacon qui traînait toujours dans son sac. Modafinil. Le coin droit de sa lèvre fut agité d’un léger tic. Non. Très peu pour lui, merci. Son attention revint sur la rousse qui était en train de lui parler. Il eut la joie d’apprendre qu’elle s’assommait plus souvent qu’elle ne s’évanouissait. Et lui donc ! il ne s’était pour ainsi dire jamais évanoui de sa vie. Endormi, bêtement, en plein cours de maths, oui. Tombé comme tout juste, alors qu’il était en train de faire quelque chose, oui. Mais s’évanouir, non. Ça ne lui était jamais arrivé.
En guise de réponse, il haussa les épaules, lâchant un vague « ah » qui ne débordait absolument pas d’enthousiasme. Il gardait sa tasse dans sa main, la faisant machinalement tourner, parfois en regardant le liquide lisse s’agiter au fond. Il se disait qu’il allait la finir, de toute façon. Il était quand même bon, le chocolat chaud de la cantine au petit dej. Surtout quand il était brûlant, tout juste fait, et qu’on s’arrangeait pour ne pas avoir le fond du thermos. Il se demandait aussi ce qu’il allait faire, aujourd’hui. Pas grand’chose. Ecrire, rêvasser, essayer de faire ses devoirs de maths, à la limite, et pourquoi pas profiter de la couche de neige pour essayer d’aller dans la lande. Il n’irait certainement pas loin : vacances ou pas, certains profs avaient toujours des yeux partout et sur tout le monde. Et il les avait habitués à être plus raisonnable, plus sage.
Il revint sur terre quand sa voisine de trois-quarts face se remit à lui parler. Elle venait de se présenter. Il pouvait maintenant mettre un nom sur ce visage entouré de cheveux roux. Wynona Atkins. Il se demanda en quelle classe elle était. Ce serait peut-être une bonne idée de lui poser la question, essayer d’alimenter la conversation avec le peu d’idées qu’il avait. Qui sait, peut-être qu’ils s’entendraient bien au final. Bizarrement, il n’avait pas tellement envie de savoir. Se faire des amis n’avait jamais été sa tasse de thé ni sa spécialité. Lui, sa spécialité, c’était les chevaux et les murs d’escalade. Le sport. Et les rêves à la con qui traînaient dans sa tête sous forme de dizaines de petits résumés d’histoires aux titres improbables et aux sources d’inspiration plus improbables encore.
« Leroy Clenan. »
Pas grand’chose d’autre à dire. Pourquoi les gens devaient se sentir obligés d’en faire des tonnes alors qu’ils avaient juste un nom à donner ? Il se posait parfois la question. Il ne voyait pas l’utilité de faire une phrase de trois kilomètres de long pour se présenter. Il n’était pourtant pas timide. Il préférait juste être tranquille dans son coin où personne ne venait le chercher d’habitude.
« Je suis en deuxième année. Et toi ? »
Cette phrase ressemblait étrangement à la question qu’elle lui avait posée, surtout dans sa formulation, mais il n’en voyait aucune autre, alors il s’était dit tant pis.
Contenu sponsorisé
Sujet: Re: Raconte-moi une histoire... [PV. Leroy]
Accueil 
![Raconte-moi une histoire... [PV. Leroy] Icon_minitime](https://2img.net/i/fa/icon_minitime.gif){kind=icon}
Mer 20 Mai - 23:20